Sujet BTS "Les nouveaux modes de consommation : objet et économie du partage"

Les nouveaux modes de consommation : objet et économie du partage

Première partie : synthèse (/40 points)
Vous rédigerez une synthèse objective, concise et ordonnée des documents suivants :
§  Document 1 : Mark BOYLE, L’homme sans argent, Les Arènes, traduction  2014
§  Document 2 : Serge LATOUCHE, Petit traité de la décroissance sereine, Mille et une nuits, 2007
§  Document 3 : Hortense NICOLET, « Siga-siga, la boutique où tout est gratuit », Madame Figaro, 8 septembre 2015
§  Document 4 : Hélène FROUARD, « La seconde vie des objets », CNRS-le journal, 22 juin 2015
§  Document 5 : Campagne de communication, Emmaus, 2014

Deuxième partie : écriture personnelle (/20 points)
L’économie du partage : révolution ou tradition?
Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures et vos connaissances personnelles.

§  Pour aller plus loin : « Le fabuleux voyage des choses inutiles »  2010


Corpus de documents
Document 1
La différence entre vendre et donner
Je ne me considère pas comme quelqu’un de spirituellement très engagé dans le sens où on l’entend traditionnellement.
J’essaye de pratiquer ce que j’appelle une spiritualité appliquée, c'est-à-dire d’insuffler mes croyances dans ma vie, plutôt que d’en faire quelque chose  d’abstrait dont je parlerais sans le faire. Plus il y a de cohérence entre la tête, le cœur et les mains, plus on s’approche d’une vie honnête. C’est ma conviction. Le monde physique et le monde spirituel sont pour moi les deux faces d’une même médaille.
Vivre sans argent m’apporte également un bénéfice non physique. Lorsqu’on travaille pour quelqu’un, en dehors de ce qu’on fait pour sa famille ou ses amis, cela prend presque toujours la forme d’un échange : on fait quelque chose pour recevoir en retour. Pour moi, la prostitution est au sexe ce que l’achat et la vente sont au fait de donner et de recevoir : pour l’un comme l’autre, l’esprit dans lequel nous agissons est fondamentalement différent. Lorsqu’on donne gratuitement, sans autre motivation que de pouvoir rendre la vie de l’autre plus agréable, cela crée des liens, des amitiés et pour finir des communautés résilientes. Lorsqu’on agit en attendant quelque chose en retour, le lien n’est pas créé.
Mark BOYLE, L’homme sans argent, Les Arènes, traduction  2014

Document 2
Réutiliser/recycler. Aucune personne de bon sens ne conteste la nécessité de réduire le gaspillage effréné, de combattre l’obsolescence programmée des équipements et de recycler les déchets non  réutilisables directement. Les possibilités sont très nombreuses et beaucoup ont été souvent testes sur une échelle réduite. (…) Là encore, ce sont les incitations qui font défaut pour pousser les entreprises et les consommateurs dans la voie « vertueuse ». Elles sont pourtant assez faciles à concevoir. Manque la volonté politique de les mettre en œuvre.
Tout cela dessine une utopie dans le meilleur sens du terme, c’est à dire la construction intellectuelle d’un fonctionnement idéal, mais aussi concrète en ce qu’elle part de données existantes et d’évolutions réalisables. C’est  un autre monde souhaitable nécessaire et possible si nous le voulons.
Dans ce projet, l’autonomie est à prendre au sens fort, étymologique (autonomos,  « qui se donne ses propres lois »), en réaction contre l’hétéronomie de la « main invisible » du marché, de la dictature des marchés financiers et des diktats de la technoscience dans la société (sur)moderne. (…) D’où l’importance de la convivialité.
La convivialité (…) qui vise précisément à retisser le lien social détricoté par l’ « horreur économique [1]». La convivialité réintroduit l’esprit du don dans un commerce social, à côté de la loi de la jungle, et renoue ainsi avec la philia (l’« amitié ») aristotélicienne.
Certains ne manqueront pas de voir dans ce recours systématique au préfixe « Re » dans les huit « R »[2] la marque d’une pensée réactionnaire, la volonté romantique ou nostalgique d’un retour au passé. Disons simplement que, mis à part une légère coquetterie d’auteur dans cette façon de présenter les étapes sous le signe de la lettre « R », les actions en cause participent tout autant de la révolution que du retour en arrière, de l’innovation que de la répétition. Si réaction il y a, c’est une réaction face à la démesure, à l’ubris du système-qui se traduit par autant de « sur » que dénonce Jean-Paul Besset –qu’il faudrait de « re » : « Suractivité, surdéveloppement, surproduction, surabondance, surpompage, surpêche, surpâturage, surconsommation, suremballage, surrendements, surcommunication, surcirculation, surmédicalisation, surendettement, suréquipement ».
Serge LATOUCHE, Petit traité de la décroissance sereine, Mille et une nuits, 2007

Document 3
Dans les locaux de l’ancienne gare de Reuilly, dans le XIIe arrondissement de Paris, s’est ouvert à la mi-juin un espace atypique : une boutique où l'on ne paye pas mais où l'on promet de prendre soin de ce que l’on emporte. Le principe est simple, ici on donne, sans échange et sans troc. Reportage.
Sous le regard de Deborah Fischkandl, la directrice de la structure, les clientes s’affairent. De la jeunette de 20 ans à la sexagénaire dynamique, tous les styles et toutes les classes sociales se mélangent pour trouver leur bonheur. De la vaisselle, des couverts, des jouets, des livres mais surtout des vêtements. « Ce matin il y avait des fourrures et des sacs Vanessa Bruno », dévoile avec un air entendu Julie, la vendeuse, à deux amies ravies de la nouvelle. Dans un coin, un comptoir fait office de bar, une table en bois rustique et ses chaises disposées au centre de la pièce facilite l'échange entre les « acheteuses ». Les mains glissent d’un habit à l’autre, les pièces exposées sont analysées d'un coup d'œil et chacune y va de son petit commentaire. « Finalement je ne vais pas prendre ce pull rose, vous le voulez ? », « C’est génial cet endroit, on trouve de tout ! », « Je prends le noir, tu prends le bleu, mais qu’est-ce que je fais de l’écharpe ? »
La boutique ne désemplit pas
À mi-chemin entre l’ambiance chaleureuse de la brocante dominicale et des friperies du Marais, l'association La Boutique sans argent fait le bonheur de tous. Ici, pas de troc, pas de ticket de caisse, tout est donné. Et pourtant, cette notion de gratuité gêne un peu au premier abord. « Pour ces trois choses-là, est-ce que je dois laisser mon nom ou quelque chose ? », demande une mère de famille surprise par le concept. Non. Rien du tout.
« Les clients sont généralement surpris, concède Deborah Fischkandl. On essaie de les sensibiliser à l'idée de don, plutôt qu'à celle de gratuité » Car chaque personne repart avec une mission : prendre soin de l’objet qu’elle a récupéré et éventuellement réfléchir à ceux qu’elle pourrait donner en retour. Ce type de projet a déjà fait ses preuves à Berlin où les « Umsonstladen », « magasins pour rien », remportent un franc succès. En France depuis deux ans La Boutique sans argent soutient ce type d'économie circulaire. Et cela fonctionne. Après l'avoir testé en banlieue parisienne avec des « zones de gratuité », l'association, soutenue par la Mairie du XIIe arrondissement de Paris, a enfin ses propres locaux. Et depuis le 13 juin, date à laquelle Siga-siga a ouvert ses portes, la boutique ne désemplit pas.
« Au mois d’août, nous avons vu défiler 900 personnes, déclare la gérante. La semaine dernière on en a compté 1 000. » Chacun peut apporter tous les jours les objets, vêtements ou petit électroménager dont il n’a plus besoin, et repartir avec ou sans quelque chose d’autre. Chaque donneur doit juste vérifier qu’ils soient propres, en bon état et transportables à la main. « Aujourd'hui on ne peut plus recevoir de dons, mais à partir de la semaine prochaine ce ne sera plus un problème ! », prévient Deborah Fischkandl. Installée pour deux ans dans l’ancienne gare de Reuilly, la boutique crée une ambiance chaleureuse, propice à la discussion autour d'un café, qui est proposé à prix libre.
Une initiative de ce type a déjà vu le jour en 2009 à Mulhouse. Depuis son ouverture, le succès du Magasin pour Rien ne s'est pas démenti. Souhaitons le même sort à Siga-siga.
Hortense NICOLET, « Siga-siga, le magazine où tout est gratuit », Madame Figaro, 8 septembre 2015
Document 4
Que deviennent les objets dont nous n’avons plus l’usage ? Stockés ou jetés, remis en état ou recyclés… Le destin de nos vieux objets est au cœur de nombreux travaux de recherche qui en disent long sur nos sociétés contemporaines.
Pourquoi un tiers de nos téléphones portables finissent-ils leur vie au fond d’un tiroir, au lieu d’être recyclés? La question -et plus largement celle de notre rapport aux objets- intéresse de plus en plus la communauté scientifique, consciente que la lutte contre la crise écologique nécessite une meilleure compréhension de nos comportements.
L’amour de l’accumulation
Premier constat, nous accumulons de plus en plus d’objets. Chaque foyer en possède en moyenne plus de 7 000, contre 350 en 1850. Tous sont pourtant loin d’être utiles. Valérie Guillard, chercheuse au laboratoire Dauphine Recherches en management et spécialiste du comportement des consommateurs, le constate avec amusement : au cours de ses nombreuses recherches, elle n’a encore jamais rencontré quelqu’un qui ne posséderait que l’indispensable. Un pull trop petit mais qu’on aimait tant, un lit d’enfant « qui pourra toujours servir » : nous trouvons mille et une raisons de conserver ce qui ne sert plus. Aujourd’hui, la société de consommation a même créé un symptôme, la syllogomanie, caractérisé par l’accumulation compulsive d’objets inutiles.
Pour Octave Debary, chercheur à l’Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain3, nous avons en effet besoin de « modalités sociales et culturelles précises » pour nous séparer de nos objets. D’où l’importance de ces vide-greniers français, ventes de garages nord-américaines ou loppis suédois qui fleurissent le dimanche. Leur succès ne peut se résumer au seul aspect financier : la dimension affective joue elle aussi un rôle. C’est d’ailleurs cette dimension qui explique la naissance des vide-greniers des campagnes picardes, longuement arpentés par Octave Debary. Après la mort du dernier occupant d’une maison et le partage de ses biens par les héritiers, les derniers reliquats étaient exposés à l’extérieur et proposés à la vente au voisinage. « Jeter les objets restants, prolongements du corps du défunt, raconte Octave Debary, aurait porté atteinte à sa mémoire en préjugeant de l’absence de sens et de valeur qu’il leur conférait. » Aujourd’hui encore, en étalant dans les vide-greniers une scie qui ne scie plus ou une bouteille de whisky vide, on espère offrir une seconde vie à des souvenirs dont on souhaite se débarrasser mais qu’on ne se résout pas à mettre à la poubelle.
Les nouvelles formes du don
Vous venez d’acheter une nouvelle cafetière ? Plutôt que de jeter l’ancienne, faites-la circuler. En lui permettant de rencontrer un nouvel utilisateur, vous lui éviterez de devenir un déchet. Il existe pour cela de nombreuses filières, auxquelles s’intéressent de plus en plus les chercheurs. Premier constat, le secteur en France associe souvent métiers du recyclage et emplois d’insertion – comme s’il allait de soi d’articuler les deux. Peut-être est-ce un héritage des biffins et chiffonniers, des professions autrefois socialement marginalisées ? Le recyclage est ainsi souvent mis en œuvre par des acteurs de l’économie solidaire comme Emmaüs, dont l’activité est d’ailleurs en pleine croissance depuis quelques dizaines d’année. Le mouvement compte aujourd’hui plus de 117 communautés de chiffonniers contre 33 seulement en 1978.
Deuxième constat : depuis quelques années, ces associations sont concurrencées par de nouveaux acteurs. On connaît le succès des sites de vente en ligne entre particuliers, comme eBay ou Le Bon Coin. D’autres types de sites émergent : Valérie Guillard a ainsi observé la création de plates-formes spécialisées qui permettent de choisir soi-même la personne à qui l’on destine ses objets. En effet, certains d’entre nous sont mal à l’aise à l’idée de céder leurs biens à leur voisinage, mais rechignent également à recourir aux institutions caritatives, jugées trop lointaines, et privilégient donc ces nouveaux outils. Cette évolution montre que le secteur du don doit lui aussi être analysé comme un marché concurrentiel, en constante évolution, au sein duquel le consommateur effectue des choix et des arbitrages.
L’innovation n’est pas toujours où l’on croit
Les choix des consommateurs peuvent enfin représenter un frein au développement de nouvelles filières. C’est le cas en matière de retraitement des déchets. Autrefois, nos ancêtres n’hésitaient pas à valoriser tous les restes, transformant les peaux de lapin en chapeaux, ou les urines humaines en sulfates d’ammoniaque. Une grande partie de la planète, qui vit en dehors de notre économie de gaspillage, continue à faire de même, comme en témoignent les nombreux travaux présentés sur le blog de recherche (link is external) de Nathalie Ortar, chercheuse au Laboratoire d’économie des transports et de sa collègue Elisabeth Anstett, de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux. À Haïti, par exemple, les déchets qui jonchaient le sol après le séisme de 2010 ont été réutilisés par la population comme matériaux de construction, contribuant ainsi à la fois à dégager le sol et à rebâtir le pays.
Or, contrairement aux idées reçues, ces pratiques de recyclage nécessitent une grande inventivité technique. Ainsi, dans les ateliers de maintenance automobile du Kenya ou du Ghana, étudiés par l’anthropologue Philippe Tastevin, du Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires8, les mécaniciens n’hésitent pas à assembler des châssis de camions allemands avec des plateformes indiennes. Ils y parviennent en retravaillant et refaçonnant ces pièces, neuves ou d’occasion. Aux dispositifs d’obsolescence programmée des grands constructeurs, ces artisans opposent ainsi « l’éternité non programmée des techniques »…
Dans les pays riches aussi, l’innovation ouvre de nombreuses pistes pour mieux réutiliser les produits usés. Mais ces filières se heurtent à la méfiance des consommateurs, qui préfèrent souvent les produits neufs. À tort, estime Peggy Zwolinski. Cette spécialiste en génie mécanique, du laboratoire G-Scop, à Grenoble, participe à un ambitieux projet de recherche sur le remanufacturing. Cette opération consiste à redonner à un produit usé toutes ses performances d’origine. Par exemple, une boîte de vitesse hors d’usage sera entièrement vidée, nettoyée. Certains de ses composants seront remplacés si nécessaires ; et ses performances entièrement vérifiées. Au final, le client aura l’équivalent d’une boîte de vitesse neuve, avec les mêmes garanties, le tout pour un coût en matière première et en énergie bien inférieur à celui d’un produit neuf.
Lutter contre les préjugés et faire connaître ces filières est donc essentiel. En 2017, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (link is external) organisera ainsi à Marseille une exposition intitulée « Ordures ». Mettant en scène les résultats de diverses études sur les déchets dans l’espace méditerranéen, elle montrera au grand public notre propension déraisonnée à accumuler les objets, mais aussi la capacité que nous avons à « réparer le monde » en offrant aux objets une « seconde vie »…
Hélène FROUARD, « La seconde vie des objets », CNRS-le journal, 22 juin 2015

Document 5





[1] Arthur Rimbaud
[2] Chacun des sous-titres commence par « Re » : Réévaluer, Reconceptualiser, Restructurer, Redistribuer, Relocaliser, Réduire, 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Fiche de lecture : "La Société de consommation" Jean BAUDRILLARD, 1970

Fiche de lecture : La Reine des lectrices, Alan BENNETT, Folio, 2014