Fiche de lecture : La Reine des lectrices, Alan BENNETT, Folio, 2014
L'histoire de La Reine des lectrices est simple : Sa Majesté Elisabeth II (car c'est d'elle dont il s'agit, comme la photo de couverture de cette édition le laisse entendre) accomplit ses tâches royales avec componction comme à son habitude, jusqu'au jour où, par la faute de ses royaux toutous, elle tombe sur le bibliobus municipal garé derrière ses royales cuisines.
Toujours par royal devoir, elle ne peut s'empêcher de satisfaire les apparences et emprunte un ouvrage conseillé par l'un de ses jeunes cuisiniers lecteur féru. La semaine suivante, elle s'efforce, mue toujours par les mêmes motivations, se rendre au bibliobus; mais alors qu'elle comptait s'en tirer à bon compte, une discussion avec le même jeune homme va modifier son rapport aux livres.
De désinvolte face à la lecture, elle va devenir une lectrice impénitente, expédiant ses tâches de représentation et nommant son cuisinier page à ses ordres de lectrice. Bien évidemment, ces nouveautés ne recueilleront pas des suffrages unanimes de la part de son entourage.
Drôle et inventif, ce petit livre (120 pages), logé dans son coffret so british édition spéciale, offre une chute inattendue qui ouvre le champ de possibles.
Le livre vaut pour la réflexion qu'il induit sur la lecture. Jugée comme excluante par certains personnages, elle peut être aussi source de frustration devant la somme incommensurable des livres à lire selon la reine.
Mais une citation sur le caractère singulier du livre en tant qu'objet peut nous arrêter.
"Cet attrait pour la lecture, songeait-elle, tenait au caractère altier et presque indifférent de la littérature. Les livres ne se souciaient pas de leurs lecteurs, ni même de savoir s'il étaient lus. Tout le monde était égal devant eux, y compris elle. La littérature est une communauté, les lettres sont une république. ]...] Aujourd'hui seulement elle en comprenait le sens. Les livres ne varient pas. Tous les lecteurs sont égaux." p36
Le livre est donc personnifié, défini comme un aristocrate fier de ses prérogatives, et c'est l'image qui en était donnée plus tôt. Mais en même temps, le livre se laisse pénétré par n'importe qui, sans distinction de classe. Il est un objet de rassemblement, voire d'ascension sociale comme semblerait le suggérer le destin du jeune cuisinier. Par la littérature, les inégalités peuvent s'estomper et le livre devenir un vecteur de communication, support commun de discussion et d'ouverture au monde.
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